Brest - Saint Marc : résistances autour du Dour Braz

Une lettre commune à trois associations a été lue lors du conseil de Brest Métropole du 3 février. Elle a remis en lumière des résistances contre des projets immobiliers autour du vallon ou du « ravin boisé » du Dour Braz, dans le quartier du Guelmeur, secteur de Saint-Marc.

 

 

Le Dour Braz est une zone de nature préservée entre la rue Jacques Cartier et la rue Birgadier Le Cann, juste au nord de la voie ferrée et du port de commerce. Elle est cerclée en rouge ci-dessous.

 

Le cadre est enchanteur. Le vallon est parcouru par un ruisseau. Une maison habitée y est présente, vestige d’une ancienne cressonnière. Le conseil consultatif du quartier de Saint Marc y a consacré un article sur le site Participation Brest en février 2016.

 

Deux points sont sources de récrimination.

 

1. Cession d’une partie de la bordure sud-ouest à un particulier

 

 

Par la délibération C2016-10-212 du 5 octobre 2016 le conseil municipal a accepté la cession d’environ 170 m² de terrain végétalisé autour de la propriété située 1 rue Gounod. Cette cession se fait au prix de 10 euros/m² conformément à un avis de France Domaine. La zone concernée a été matérialisée sur place par des barrières le long de la venelle d’accès au Dour Braz, dont l’entrée est située 28 rue jacques Cartier.

 

 

 

 

Au 1 rue Gounod, on trouve une SCI créée en 2011 dont le but est de faire de la location immobilière et une société « de décoration-aménagement intérieur... en location ». Elles sont dirigées par la même personne. Ce propriétaire envisage « de construire un petit collectif de 4 appartements en lieu et place de sa demeure actuelle. Dans ce cadre, à l’effet d’agrandir la superficie d’espaces verts autour du projet et d’en assurer l’entretien, il souhaite acquérir auprès de la Ville de Brest les espaces verts mitoyens de sa parcelle ».

 

Après négociation entre la mairie et ce particulier, il est notamment précisé que « les emprises concernées étant classées en zone Nl au Plan Local d’Urbanisme facteur 4 ainsi qu’en espace boisé classé, aucune construction ou aménagement de parking ne devront y être réalisés ».

 

De plus, « afin de pouvoir desservir deux des nouveaux logements créés,  (le propriétaire) souhaite bénéficier d’un droit de passage sur la venelle située sur les parcelles BK n° 649 et 247. Cette venelle part de la rue Gounod (ndr : 28 rue jacques Cartier en réalité) et traverse le parc du Dour Braz pour desservir les habitations situées en contrebas dans le parc de Saint-Marc ».

 

Le groupe EELV, par la voie de madame Nathalie Chaline, rejoint par madame Julie Le Goic, a voté contre cette cession qui réduit les espaces verts du Dour Braz au profit du privé. M. Fayret, vice-président de Brest Métropole, a souligné qu’ils étaient considérés peu qualitatifs. Les débats sont accessibles  à partir 6 minutes et 10 secondes de la vidéo disponible sur Youtube.  

 

Les associations et riverains reprochent à la mairie d’avoir « vendu une partie de cet espace public boisé classé protégé à un investisseur privé ». Ils s’inquiètent également de l’autorisation de circulation : « Ce qui s’avère très dangereux avec des riverains qui devront se faufiler entre les voitures » (blog Marc Gidrol Linfo).

 

M. Fayret, cité par Ouest-France, explique que « Pour que les voitures puissent se garer, (le propriétaire) a demandé à se servir de la venelle. Ce ne sera pas plus que quatre ou cinq voitures, et la venelle sera réglementée par une barrière ». L’ensemble de sa réponse lors du conseil Brest Métropole est accessible à partir de 17 minutes et 27 secondes de cette autre vidéo disponible sur Youtube.

 

Il n’y a pas encore de permis de construire mais il a connaissance d’un projet de parking en sous-sol du 1 rue Gounod, accessible via la venelle. Suite à des réactions du voisinage, il a annoncé que « la vente et le droit de passage était conditionnés à une nécessaire concertation »  du porteur de projet avec ses voisins. Celui aurait exprimé son accord et le résultat en est attendu.

 

Fallait-il sacrifier 170 m² de la verdure du Dour Braz au profit d’un projet immobilier privé ? Au-delà de l’agrandissement de la superficie d’espace vert d’un terrain il y a bien évidemment l’accroissement de l’attractivité du projet et l’augmentation des futurs prix. Pour 1700 euros, ce projet va permettre d’offrir du stationnement au pied des futurs appartements grâce à un droit de passage sur un chemin public. Cela ne semble pas cher payé, même s’il est sans doute difficile de considérer d’autres prix que ceux de France Domaine.

 

L’endroit est réputé attractif même si c’est peut être un peu surfait. La vue est très dégagée sur le port et ses installations Seveso, dont la zone de prévention des risques s’arrête juste avant la propriété. La voie ferrée est en contrebas. Le Guelmeur est également régulièrement sujet aux odeurs de Soja apportées par les vents dominants. Certes cela peut rapporter des taxes à la commune. Et il sera une bonne chose de remplacer la terrasse en béton très dégradée visible actuellement. Mais il reste une question de principe. Cela peut favoriser les demandes de ce genre sur l’ensemble de Brest Métropole au détriment des espaces verts publics. Dans ce cas, était-il bien nécessaire de favoriser ce projet alors que, d’après l’INSEE, il y avait 6465 logements libres à Brest en 2013 ?

 

Sur le plan de la circulation, la voie est déjà utilisée par les occupants de la maison tout au fond du vallon, où l’on peut voir une voiture. Même si les occurrences seront faibles, la cohabitation avec 4 ou 5 autres véhicules pourra donner lieu à des situations compliquées. Il est clair qu’ils ne pourront pas se croiser dans la partie haute de la venelle. La cohabitation avec des promeneurs avec poussettes sera également délicate.  Il y aura peu de voitures mais leur usage sera fréquent dans une zone éloignée de tout transport en commun.

 

Il reste à voir le permis de construire. La démarche de concertation préalable demandée par la mairie est un cas intéressant. Cela semble se référer au cas évoqué par l’article 170 de la loi Alur. Mais cette concertation se fait sur la construction (permis de construire)  et ne semble pas concerner une vente de terrain déjà négociée et actée par le conseil municipal. De plus si l’initiative en revient au maire, et si elle peut être menée par le propriétaire (maitre d’ouvrage), c’est «l’organe délibérant de la commune » qui doit en fixer  les modalités. On peut se demander s’il est possible de conditionner la vente du terrain à une telle concertation, en amont du projet de construction.

 

2. Projet immobilier les Perles de Saint-Marc, à l'est

 

 Le permis de construire PC 029 019 15 00071 a été délivré le 22 septembre 2015. Il prévoit la construction d’un ensemble de prestige appelé les perles de Saint-Marc .

 

 

Deux recours contentieux sont en cours par des riverains. La décision du tribunal administratif devrait survenir cette année. Le projet ne semble pas très important avec trois ensembles de deux étages. Cela rompt modérément avec le style pavillonnaire environnant. Sur le plan environnemental, il est de l’autre côté de la rue brigadier Le Cann par rapport au vallon du Dour Braz. Deux bâtiments, à démolir, étaient déjà présents sur terrain. Si la construction respecte les normes environnementales et le raccordement au réseau d’assainissement, on peut se demander quels seront les impacts sur le Dour Braz. Le projet lui même se situe dans le haut d'un espace boisé classé, même si le PLU indique la zone comme constructible. On peut également s’interroger, à l’instar d’une représentante de l’opposition brestoise, sur la conformité avec la loi Littoral. Enfin, de façon générale et comme au bas du chemin de Penhellen, la construction de logements collectifs loin des lignes de transport en commun implique un usage accru des voitures. C'est contradictoire d'une politique affichée de développement des transports en commun et des transports "doux".

 

Ce qui est certain c’est que la modification de leur environnement de vie se traduit par une perte de tranquillité pour les riverains.

 

 

Même si c’est seulement deux étages, il y aura sans doute du vis-à-vis pour les maisons rue de Mestriden et André Le Notre. La nuisance principale pourrait être la circulation induite par 29 logements dans cet endroit reculé. La rue Brigadier Le Cann est étroite ainsi que la partie de la rue Mestriden qui y débouche. Il y a également de nombreux promeneurs qui les utilisent. L’augmentation de fréquentation automobile sur ces voies en l’état n’est pas une bonne nouvelle. 

 

Les riverains dénoncent un manque de consultation. D’après monsieur Fayret, cité par Ouest-France, « Sur un précédent projet immobilier, le promoteur s'était fait insulter. Donc, cette fois, il a refusé de faire la réunion d'information. C'est un cas particulier ». Un article de Brest-Infos.fr de Novembre 2016 donne le témoignage d'un riverain "Une réunion a eu lieu post permis organisée par Brest métropole avec le promoteur et l’architecte. Nous avons constaté que Brest métropole ne tenait pas compte des doléances des riverains, ni du recours gracieux et qu’elle a pris le parti du promoteur contre l’intérêt des habitants du quartier. Face à un tel mépris nous n’avions pas d’autre solution que le tribunal administratif"

L’expérience d’autres réunions d’information des riverains montre que celles-ci servent surtout à prévenir des riverains qui seront de toute façon, et c’est bien naturel, très remontés contre la perte de qualité de vie et la décote du prix de revente de leur propre bien. C’est donc en général un moment difficile pour les promoteurs. L’organisation et la participation à ces réunions ne semblent cependant pas obligatoires. Elles servent le plus souvent aux riverains pour préparer les recours.

 

On trouve sur le forum internet du Stade Brestois une hypothèse sur la population visée par le projet immobilier : « Océanic Finance étant le promoteur du projet, il se murmure que cette enclave pourrait héberger à terme des footballeurs du SB29 ». Pour ceux qui ne le savaient pas, le président du groupe immobilier à l’origine du projet est partenaire de longue date et actuel président du conseil de surveillance du Stade Brestois 29. Peut-être en effet cela pourrait-il intéresser des sportifs issus du centre flambant neuf de formation et de vie du SB 29 inauguré en octobre  2016, Chemin de Penhellen, à moins de dix minutes en voiture.